jeudi 5 mars 2009

L’agriculture argentine au prise dans une tourmente politique, par Léon Guertin



Autrefois considérée comme la terre promise des espagnols, anglais, et français qui cherchaient une stabilité politique, elle a même été considérée comme le grenier de l’Europe durant les deux guerres mondiales, l’Argentine s’acharne aujourd’hui à soutirer les dernières gouttes de sa vache à lait.

Développée il y a plus de 150 ans par une centaine de familles possédant la majorité des terres agricole, l’agriculture argentine a connu ses heures de gloire. Pourvue d’un climat subtropical et de sols riches, les producteurs ont développé la production de bœuf de boucherie, de lait et des différentes céréales. Avec les années, les terres se sont divisées et revendues de telle sorte que les fermes d’aujourd’hui ont des superficies qui varient de 200 à 10 000 hectares. La prospérité de ces familles a amené son gouvernement à piger dans la bourse de ces derniers pour redistribuer l’argent aux pauvres des villes en échange de leurs votes. On se rappelle même que M. Perón, le président de la république du temps, distribuait une espadrille aux enfants des familles avant les élections et la deuxième après les élections s’il était réélu…

Aujourd’hui on utilise d’autres stratégies en décrétant des prix ridiculement bas sur les produits agricoles ou en imposant des taxes élevées sur les exportations. À titre d’exemple, le prix du lait aux producteurs est de 0.7 pesos le litre (27 $ / hectolitre) même si le prix officiel du gouvernement est de 1 pesos le litre (38 $ / hectolitre). En conséquence, les producteurs vendent leur cheptel pour se tourner vers la culture du Soya qui se vend lui au prix du marché. Pour réduire cet exode, le gouvernement impose une taxe à l’exportation de 35% du prix de vente pour chaque tonne vendue par le producteur. C’est comme si Barack Obama exigeait à GM de lui remettre en argent 35% du revenu brut des ventes de voitures au détail. Il s’est donc développé un marché parallèle pour la fève soya où les producteurs vendent un pourcentage de leur récolte au noir aux marchands qui les paient en argent à un prix d’escompte. La stratégie est bien connue et le gouvernement a instauré un système de traçabilité sur certains intrants, comme les pesticides et la semence, pour comparer les produits achetés versus la récolte vendue de façon à piéger les fautifs. Le marché parallèle serait assez répandu dans ce pays même dans le lait, et la partie de bras de fer entre le gouvernement et les agriculteurs alimente abondamment toute la presse écrite. On mentionne même que sans cette taxe de 35% sur le soya le gouvernement tomberait en déficit fiscal.

En mars 2008, au moment où le prix international du soya atteignait des sommets, le gouvernement, qui a désespérément besoin de devises, a voulu profiter de la situation. Il a voulu augmenter à 45 % la taxe imposée sur le soya basée sur le prix international pour ne rien perdre de la conjoncture. C’est à ce moment que les producteurs agricoles ont déclenché une grève qui a duré 4 mois. Ce projet de loi confiscatoire a été rejeté par le congrès. Aujourd’hui, un an plus tard, le problème n’est toujours pas résolu.
L’acharnement du gouvernement sur les agriculteurs les a poussés à travailler autrement pour réduire leurs coûts de production. À titre d’exemple, 70% des champs sont cultivés en semis direct.
La production de bœuf de boucherie se fait encore souvent dans les pâturages et lorsque le revenu du lait est insuffisant, on met de côté la transplantation embryonnaire et l’insémination artificielle pour ressortir le taureau.
Finalement, ce qui rend cette histoire encore plus triste, c’est que la relève se désintéresse des fermes souvent sur les conseils de leurs propres parents qui préfèrent les voir s’orienter vers des secteurs plus lucratifs. Seuls les passionnés résisteront à cette tourmente sans jamais savoir si un jour ils devront vendre et faire autre chose.

Léon Guertin, professeur accompagnateur



1 commentaire:

  1. Bonjour, y a-t-il des subventions offertes aux producteurs par le gouvernement ? Est-ce que ce sont des entreprises plus familiales ou plus industrielles ?

    Fanie et Jessie

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